Portrait de joueur : Miléa

Miléa « Valérie » Ita est, comme son premier prénom peut le laisser supposer, née en Nouvelle-Calédonie, à Nouméa. Joueuse de l’Elan Chalon basket-fauteuil depuis 5 saisons maintenant, elle est l’une des cadres de l’équipe.

Née prématurée, une erreur médicale lors d’une transfusion sanguine lui créera un choc au niveau de la colonne vertébrale, paralysant alors ses deux jambes. Durant ses premières années, elle fera de longs séjours en Australie où les médecins pourront lui apporter plus de soins que dans son île natale. Avec les conditions de l’époque, Miléa n’aura son premier fauteuil roulant qu’à 8 ans,
et pourra ainsi intégrer l’école primaire. Pourtant, à l’époque
sur l’île les personnes avec un handicap ne peuvent pas aller à
l’école « normale » et doivent aller en « centre spécialisé », toutefois l’école de la ville acceptera Miléa qui pourra suivre les cours normalement, comme tous ses camarades.
Et ce sera ainsi tout au long de sa scolarité où elle sera
notamment la toute première élève en fauteuil de son collège :
« L’environnement était hyper bienveillant, tout était fait
pour que je puisse participer aux cours comme les autres, la seule
différence : on ne changeait pas de salle de classe, c’était
les profs qui se déplaçaient. Mes camarades étaient contents ! ».

Elle obtient ensuite un BTS commerce international et pendant sa dernière année, une de ses professeurs a la ferme intention d’envoyer certains des meilleurs élèves en métropole afin qu’ils puissent poursuivre des études supérieures.
Miléa sera de la partie et arrivera à Paris en 2002 pour y suivre
un Master Management et Commerce International.

« Au début je n’avais pas révisé l’entretien oral pour essayer de ne pas partir de mon île, mais finalement j’ai été prise et ça m’a beaucoup apporté. Je venais dans l’idée de repartir après avoir réussi mes études. »

Mais revenons à la Nouvelle-Calédonie puisque c’est là-bas, à 11 ans, qu’elle va découvrir le basket-fauteuil :

« Ma mère trouvait que je ne sortais pas assez de la maison, et elle voulait que je fasse du sport. Alors elle m’a inscrit, et j’ai tout de suite découvert ce sport qui m’a beaucoup plu, notamment cette notion de collectif. ».

En arrivant dans la capitale, elle souhaite donc continuer le sport, et découvre le club de Corbeil-Essone, avec une toute autre manière de voir le sport :
« Il n’y a que deux équipes en Nouvelle-Calédonie, et chez
nous c’est le coach qui venait nous chercher pour aller à
l’entraînement alors qu’ici il fallait aller au gymnase, donc
prendre les transports en commun. En plus j’étais très introvertie,
et à Paris les distances étaient tellement longues : un point
à un autre de la région parisienne c’était 3 heures de transport,
alors que d’un bout à l’autre de mon île c’est 5 heures.»

Elle découvre aussi une nouvelle façon de voir le sport :

« Je connaissais pas tant que ça la compétition, nous on jouait vraiment pour s’amuser alors qu’ici certains joueurs jouaient leur vie sur le terrain ».

Finalement l’air francilien lui convient et, en plus de trouver un travail à Décathlon, elle signe au club de Capsaaa Paris qui a le projet de monter une équipe 100% féminine. Sans le savoir, elle et ses coéquipières vont former le premier effectif féminin de France et d’Europe à jouer dans un championnat mixte. Mais elle s’entraîne aussi avec l’équipe première, où elle est un renfort, et participe notamment à la Coupe d’Europe des clubs.

En plus de son travail et de l’obtention de son diplôme, Miléa accompagne l’association de son club dans des sensibilisations, pour faire connaître son sport et démocratiser le handicap :

« C’est vraiment important, et encore aujourd’hui, de montrer que faire du handisport, c’est faire du sport tout court, et qu’on peut être sportif avec un handicap. »

Pendant ses premières années en métropole, elle va aussi découvrir l’équipe de France féminine, où elle sera appelée pour la première fois en stage en 2003, puis participera à un premier championnat du Monde en 2006 à Amsterdam.

Après cela, elle va avoir une aventure bretonne en rejoignant le club de Lannion pour 2 saisons, et participera à la montée de l’équipe en Nationale A (plus haut niveau national). Elle rejoindra ensuite le club de Thonon en 2011, pour suivre son compagnon Yann Monière (ancien joueur de l’Elan Chalon), et le scénario sera identique puisqu’elle sera de la partie pour la montée du club en première division. Elle jouera aux côtés de sa partenaire en équipe de France, Annabelle Picut-Alixe.
Malheureusement suite à des problèmes internes le club va
s’arrêter, et tous les joueurs vont se retrouver sans équipe :
« Simon Farre avait des contacts avec Chalon et a parlé de
nous à Sandra Cléaux, qui nous a invités à participer à un
entraînement. Puis, nous avons tous déménagé (Simon, Annabelle,
William Picut, Yann et moi), pour rester entre amis et jouer ici.
C’était aussi bénéfique pour le club puisque l’équipe était en
Nationale C mais grâce au développement du club et aux renforts
avec nos venues, la commission a accepté de « faire monter »
le club en Nationale B puisqu’il y avait une place libre. »

Au départ, ce qui frappe Miléa c’est la structure de l’Elan Chalon et le nombre important d’équipes, en plus de l’équipe pro « Ici on a vraiment une très belle infrastructure dédiée au basket pour progresser. L’idée en arrivant était de construire une équipe solide qui pourrait jouer les premiers rôles en Nationale B afin de viser la montée. »

Malheureusement, après 2 saisons où le club progresse petit à petit, la COVID-19 arrive et arrête les championnats pendant les 2 saisons suivantes : « Dès le premier confinement c’était très difficile pour moi, avec une grosse perte de motivation et, forcément, beaucoup moins de sport. En plus la commission basket-fauteuil laissait le doute tout au long de ces saisons pour savoir si on allait reprendre le championnat, et finalement annulait à chaque fois la saison qu’à un ou deux mois de la fin. C’est difficile mentalement surtout, au
niveau de la préparation, de la fixation d’objectifs etc… ».

Mais cette année, le championnat peut enfin se dérouler comme prévu « reprendre les entraînements en se disant qu’il y aurait enfin une saison nous a permis de nous entraîner plus sereinement. Après la phase aller, la dynamique est créée même si cette première série de matchs n’a pas forcément montré la vraie valeur de l’équipe, car on a encore une marge pour dévoiler toutes nos capacités et que chacun montre son vrai potentiel. »

Miléa est aussi fière de retrouver une compétition internationale en club, avec un tournoi de qualification aux coupes d’Europe qui se tiendra (normalement…) fin Avril en Italie « Ce serait une super consécration pour le club, et c’est très positif pour sa notoriété. ».

Mais avant ça, il faut bien reprendre la phase retour et rester dans le haut du tableau de Nationale B pour espérer la montée « Il faut encore plus croire en nous et nos capacités afin d’aborder au mieux les prochains matchs pour arriver à imposer notre jeu, gagner avec la manière, et ne pas se faire peur contre des équipes moins bien classées que nous. ».

Cette saison marquait aussi une nouvelle sélection en équipe de France pour Miléa avec le championnat d’Europe à Madrid en Décembre 2021, où elle participait avec une coéquipière de Chalon Lisa (la France a terminé à la 5ème place devant la Turquie).

Après une vingtaine d’années en sélection nationale (un championnat du Monde, 4 championnats
d’Europe, et une participation aux Jeux Paralympiques à Londres en
2012), elle garde un souvenir amer de ce dernier championnat d’Europe où la France termine à l’avant-dernière place et a vécu de très longs matchs contre les 4 premières équipes : « Sur le
dernier championnat, on paye le fait que pendant de nombreuses années on a été devant l’Espagne et qu’on s’est contentés de ça, sans mettre plus de moyens pour détecter, former et intégrer de
nouvelles joueuses. De leur côté les Espagnoles, elles ont travaillé
pendant ces années pour former un nouvel effectif, être
compétitives, et maintenant elles nous ont dépassé et nous prenne
la place qualificative aux championnats du Monde. On a
pris énormément de retard. Si on ajoute à ça le fait que notre
rôle dans les clubs n’est pas du tout le même que celui en
sélection (ndlr: nos filles ne jouent pas beaucoup, ou pas au même poste qu’en EDF), et le fait qu’on a aussi perdu des joueuses avec la
nouvelle classification, cela explique notre performance. Comme on a stagné les 10 ou 15 dernières années, on a pris énormément de
retard sur les autres nations et on le paye sur ce dernier
championnat.

Ca me désole d’autant plus que l’équipe de France me
tient à cœur. Maintenant on a la chance d’être qualifiées d’office pour Paris 2024, mais il ne faudra pas se contenter de ça
si on ne veut pas vivre les mêmes expériences. Aujourd’hui, il
ne reste que 2 ans pour se préparer et développer l’effectif pour
être plus compétitives et ne pas être « sparring partner » des autres
équipes et prendre 30 ou 40 points contre 90% des équipes.
Personnellement j’ai l’âge que j’ai, mais ça m’embête surtout pour
nos jeunes joueuses qui ont envie de s’entraîner et devenir
meilleures, et que pas grand chose n’est fait les aider à
progresser. »

Malgré cela, c’est avec l’équipe de France que Miléa a un de ses plus beaux souvenirs, les Jeux de 2012 : « C’est vraiment une compétition à part, rien que la cérémonie d’ouverture est énorme, surtout que tu représentes ton pays, avec tous les sports confondus. Toute la nation d’accueil est focalisée par les Jeux, même si on était dans notre « bulle » dans le village olympique. Les gens hors du village nous parlait de la compétition et s’intéressaient à nous. On était considérées comme des sportives à part entière et non comme des handicapées. Je souhaite vraiment à toutes les joueuses de connaître ça, car c’est incroyable. ».

Maintenant, étant plus proche de la fin que du début de sa carrière, Miléa pense de plus en plus à un retour dans son île natale : « Les années 2020 et 2021 ont été très compliquées pour moi, même si la pandémie a été bien gérée en Nouvelle-Calédonie, j’ai eu des décès dans la famille et je ne pouvais pas être avec eux pour partager ça.
J’avais encore plus envie d’y retourner, et avec l’âge certaines
choses deviennent plus importantes que d’autres, comme le fait de
retrouver ma famille proche. ».

Place maintenant au sprint final du championnat, et pour cela Miléa a un petit pour vous : « J’aimerais remercier les gens qui viennent nous voir, notamment les personnes du KOP car ça fait vraiment plaisir de se sentir soutenu. Je suis fière
et honorée d’être dans l’équipe et de pouvoir compter sur mes
partenaires et on espère vous offrir la meilleure saison
possible. »

Retrouver les anciens portraits :

LISA

SAMIH

GRISHA

Laisser un commentaire